Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les interviews de Marion
Les interviews de Marion
Publicité
Archives
9 janvier 2013

INTERVIEW LUC BESSON [ NOVEMBRE 2011 ]

Luc Besson à Nancy pour parler de sa lady

Luc Besson était à Nancy pour rencontrer les étudiants de Sciences-Po et de l’IECA (Institut Européen du Cinéma et d’Audiovisuel). Il a répondu à toutes leurs questions portant sur son dernier film The Lady, l’histoire d’amour difficile entre Aung San Suu Kyi, la pionnière du mouvement démocratique birman, et son mari dans un pays où règne l’inhumanité d’une junte politique toujours en place.

luc besson

 

Comment vous est venue l’idée de ce film ?

C’est avant tout une grande histoire d’amour sur un fond politique. Elle a tenu grâce à un homme : son mari. On peut donc entrevoir une définition incroyable de l’amour. Elle aussi participe à l’évolution et la démocratie de son pays, ce qui n’est pas rien. C’est ainsi que l’on se rend compte de la force de l’amour, car c’est bien ça qui fait tenir Aung San Suu Kyi. D’ailleurs, on peut noter que les militaires sont terrorisés par cette femme qui dégage une force incroyable. 

 

Comment avez-vous fait pour filmer en Birmanie malgré le contexte politique dangereux ?

On est allé tourner des plans volés avant qu’il [le gouvernement] n’est eu vent du film. Trois équipes de deux personnes, pour en tirer plus de 17 heures de rush. A un moment, j’avais un militaire à côté de moi, mais il ne s’est même pas rendu compte que je filmais. Pour moi, c’était important de filmer les paysages birmans même s’ils sont similaires à ceux en Thaïlande. D’ailleurs, l’association birmane nous a beaucoup aidés pour le film. En le regardant la première fois, beaucoup de ses membres ont pleuré dès la première image, car c’était la première fois qu’ils voyaient leur pays sur grand écran.

 

Est-ce que les acteurs connaissaient l’histoire de Aung San Suu Kyi, l’héroïne du film ?

Ils ne connaissaient que 10% de son histoire : son prix Nobel, sa vie pour un pays libre et démocratique… On l’appelle Aung San Suu Kyi pour « orchidée d’acier », car elle tient tête aux militaires. La question que je me suis posé c’est : comment devient-on aussi dure et comment fait-elle pour tenir ? C’est surtout pour l’amour de son pays, son mari et ses enfants. Je voulais donc lui rendre hommage à travers ce film. De plus, ce qui est intéressant, c’est que la Birmanie est un des seuls pays en voie de démocratie épargné par des violences. Pour le moment, aucun pays n’a obtenu la démocratie sans violence. Si cette femme y parvient, alors ce sera une grande victoire pour nous tous.

 

Est-ce que vous avez rencontré Aung San Suu Kyi ?

Trois semaines après sa libération, je l’ai rencontré. Elle n’a pas lu le script et elle n’a jamais vu le film. Sa position est claire : elle n’a pas participé au film. C’est très important pour sa sécurité.

 

Si vous l’aviez rencontré avant, quelle question lui auriez-vous posé ?

Je lui aurai demandé comment ça s’est passé à Danoubiou ? Car elle a dit à ses hommes de rester et elle a traversé une barrière de flingues. Mais nous n’avons jamais rencontré un témoin de cette scène. De plus sur Google maps, la ville est floutée, ce qui rendait nos recherches plus difficiles. J’ai donc essayé de croiser des textes pour être au plus près de la réalité. J’étais un peu frustré car je savais juste qu’il y avait une dizaine de soldats, le reste restait flou.

 

Comment avez-vous fait pour retranscrire son histoire de la manière la plus juste possible ?

On s’est inspiré de témoignages de personnes la connaissant. Le problème est qu’il y en a qui ne l’avaient pas vu depuis douze ans. L’association birmane nous a donc aidés en nous procurant plus de 200 heures de rush. On a croisé les informations pour voir sur quoi on pouvait s’appuyer. Par exemple, dans le film, la maison de Aung San Suu Kyi est la même : elle a les mêmes dimensions et le piano est de la même marque… On s’est appuyé sur Google maps pour reconstituer le plus fidèlement possible sa maison et les alentours.

 

Comment faites-vous pour sélectionner telle ou telle scène ?

Ça vient avec l’expérience et le temps. Avec le temps on mesure, on gagne en efficacité et en compréhension. Même si l’on est toujours attaché à ce que l’on produit, il faut réussir à se détacher. Il faut voir les plans comme une matière brut à travailler. On est notre seule guide, on doit se demander si c’est mieux ou non. Le mieux est de montrer le film à des personnes. Cela nous permet de voir une autre réalité du film à travers le regard d’un spectateur. Si la personne nous dit qu’elle s’est embêtée au début du film, alors il faudra retravailler cette partie. Surtout quand plusieurs personnes te disent la même chose, sur le même passage.

C’est au festival de Toronto que j’ai fait ma première projection. A la suite de cette projection, j’ai coupé douze minutes du film, pourtant j’ai eu une standing ovation mais j’ai senti que par moment ça bougeait dans la salle, que les spectateurs parlaient durant certaines et pas les autres… Ensuite, j’ai refait une projection à Los Angeles. Sûrement une de mes plus belles projections. 1200 personnes qui n’ont pas bougé ni mangé de pop-corn pendant deux heures. C’était une très belle soirée. C’est là que je me suis rendu compte que j’avais bien fait de couper douze minutes.

 

Est-ce une difficulté de faire jouer des acteurs non professionnels ?

Les acteurs non professionnels amènent une vérité. Ils sont naturels. Nous devons nous adapter et pas l’inverse. Certains n’avaient jamais vu de caméra. Donc c’est autre chose. On ne travaille pas de la même façon que s’il s’agissait d’acteurs professionnels.

 

Pour vous, l’émotion durant le visionnage d’un film est-il important ?

Personnellement, j’ai beaucoup pleuré en lisant le script, car ça me touche, c’est ma sensibilité. Je trouve qu’en vieillissant on devient plus sensible. Quand on est jeune, on veut paraître plus dur et on met de côté ce genre d’émotion. Le cinéma et la musique sont un vrai spectacle émotionnel.

 

Questions posées par les étudiants de l’IECA
Propos recueillis par Marion Gatinel

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité